Togo-OADEL/ Projet « Du Champ à l’Assiette »: Présentation des innovations mises en œuvre

Contrairement aux systèmes alimentaires du nord, ceux connus dans les pays d’Afrique de l’ouest disposent encore d’un fort ancrage territorial. Au sud Togo, la région Maritime, la plus peuplée du pays est reconnue pour être une des régions disposant des conditions agro-climatiques les plus favorables au développement de l’agriculture et de l’élevage. Face à une forte pression démographique, ce n’est pas la première région pourvoyeuse d’aliments pour le pays, même si à l’échelle du territoire elle contribue grandement à l’approvisionnement des territoires ruraux et urbains.
Certes le Togo a des modes de consommation alimentaires de plus en plus dépendants des importations (pour les amylacés : le riz et le blé), cependant les cultures vivrières devenues des cultures alimentaires commerciales jouent un rôle fondamental dans l’alimentation. Si on observe la structure de la consommation des produits amylacés de base dans une ville comme Lomé, on est surpris de constater que la plus grande part des consommations est attribuée respectivement au maïs, à l’igname, au manioc, et à la banane. La plupart de ces aliments sont produits aux Togo et pour une partie à proximité de Lomé dans les différents terroirs de la région maritime. Par conséquent la part du local dans les consommations alimentaires urbaines n’est pas des moindres, et elle est principalement issue de l’agriculture familiale togolaise et de systèmes alimentaires territorialisés.


On peut donc affirmer que pour bon nombre de denrées alimentaires, exceptés le riz, le blé et autres produits transformés importés (produits carnés, huiles…), l’agriculture familiale paysanne est connectée avec les marchés de masse. C’est d’autant plus vrai dans les territoires ruraux où les petits marchés domestiques sont un des éléments clés de la vitalité économique et social de ces territoires. Cela ne veut pas dire qu’il n’y pas d’inégalités et que les richesses sont justement réparties entre les acteurs parties prenantes de ces systèmes alimentaires, toutefois il intéressant de considérer et s’appuyer sur ces potentialités.
Les raisons qui ont motivé le choix de se pencher sur les produits « riz et viande de chèvre » partent de la caractérisation des modes de consommation énoncées précédemment. En effet, le riz depuis des décennies fait partie du régime alimentaire des togolais et sa consommation tant en milieu rural qu’urbain ne fait qu’augmenter. Pour garantir son approvisionnement, le Togo fait appel aux importations massives et enracine ses dépendances dans le système alimentaire mondialisé. La viande de chèvre très appréciée des consommateurs est un produit carné qui fait partie intégrante des pratiques culinaires traditionnelles. Elle représente une alternative viable pour aux volailles eux aussi de plus en plus importées pour répondre aux besoins en protéines animales des consommateurs urbains. Par ailleurs ces deux produits font partie des filières courtes que l’on retrouve sur le territoire de la région Maritime et qui jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire des populations et les revenus des paysans. Pour ces derniers, le riz est source d’alimentation et de revenus courants, tandis l’élevage de chèvre est l’épargne des ménages ruraux et permet de faire face aux dépenses exceptionnelles.
Ainsi, Elevage Sans Frontière et ses partenaires (OADEL, ESFT, GRAPHE) ont formulé ce projet en souhaitant Renforcer les systèmes alimentaires territorialisés de la région Maritime au Togo en améliorant la disponibilité et l’accessibilité de deux produits de terroirs, le riz et la viande de chèvres pour les consommateurs ruraux et urbains. Pour cela, les innovations suivantes seront expérimentées :


Innovation 1 : Promouvoir l’intégration de l’élevage à la production rizicole et plus généralement une agriculture intégrée locale pourvoyeuse de produits alimentaires pour le territoire.
Pour le projet, il s’agit d’essaimer ces bonnes pratiques à l’ensemble des membres des coopératives de l’UCA-ZIO pour leur permettre eux aussi d’améliorer leur modèle de production de riz et de chèvres. il s’agit également de pousser plus loin la recherche action en milieu paysan et la diffusion de techniques agricoles respectueuses de l’environnement en améliorant les itinéraires techniques et en testant de nouvelles pratiques (fourniture de protéagineux par le système de cultures au système d’élevage, pâturages contrôlés post récolte, production de fourrages améliorés,…). De nouvelles expérimentations seront menées pour minimiser les consommations carbones des systèmes de production et mieux valoriser les déchets : Test de digesteurs pour la production de biogaz à usage ménager (cuisson, éclairage) et de biofertilisants, Mise en place de champs écoles pour tester les effets d’un compost commercialisé par ENPRO (centres de retraitement de déchets ménagers à Lomé) sur la production rizicole, mise en place de unités test pour la production de compost et d’aliments issus du retraitement des déchets de transformation du riz. Cet ensemble de pratiques mises en œuvre sur le territoire peuvent contribuer à faire évoluer les pratiques agricoles conventionnelles des systèmes de production et limiter l’empreinte sur les ressources du territoire. Afin de s’en assurer une étude sera réalisée pour mesurer les consommations carbones des systèmes de production intégrée culture-élevage pour la production de « riz et chèvres locales » et de le comparer avec des » riz et produits volaille importés ».

Innovation 2 :Soutenir le développement de filières de proximité par la valorisation sur le territoiredes produits « riz et viande de chèvre » sains et de qualité.
La valorisation de la viande sera rendue possible par un passage à échelle de l’expérimentation menée avec OADEL à la Bobar. En articulation avec un autre projet d’OADEL-AFL mené sur les achats institutionnels privés, le projet contribuera à l’émergence d’une nouvelle entité autonome privée spécialisée dans la distribution de produits frais et transformés, dont la viande de chèvre. Basée à Lomé, la centrale de distribution disposera des infrastructures et équipements respectant les normes de qualité pour stocker les produits des transformateurs (Organisations de producteurs, entreprises). Elle intégrera un atelier « boucherie » (chambre froide, matériels de découpe, frigos) qui transformera les chèvres achetées auprès des membres de l’UCA-Zio et autres éleveurs. L’abattage sera contrôlé et réalisé à l’abattoir de Lomé. Une marque sera créée pour valoriser sa production locale et paysanne auprès des consommateurs. Les activités de formations et l’appui-conseil permettront de professionnaliser les acteurs (UCA-Zio, Entreprise de transformation de viande) dans leurs pratiques de transformation, de gestion et d’administration de leurs activités entrepreneuriales, mais également de commercialiser des produits compétitifs pour reprendre des parts marchés aux produits importés.

Innovation 3 :Connecter l’offre locale en circuits courts de deux produits de terroirs aux marchés deproximité ruraux, aux agglomérations rurales, et aux grands pôles urbains de la région Maritime.


Pour la commercialisation de la viande de chèvre, c’est exclusivement le marché urbain qui sera ciblé car les populations en zone rurales ont encore pour habitude d’abattre les animaux à domicile. A Lomé, la restauration de rue informelle tout comme le secteur de la restauration conventionnelle sont en pleine expansion et constituent aussi un réel potentiel de transformation des produits locaux. La fréquentation de ces lieux de consommation par les classes populaires (restauratrices de rues, gargotières) et classes moyennes (maquis, restaurant) ne fait qu’augmenter pour satisfaire des habitudes moins sédentaires des travailleurs urbains. En considérant ces atouts, trois modes de distribution sont envisagés pour la commercialisation de la viande : la vente aux restauratrices de rue qui prépare des plats à base viande de chèvre, les frigos spécialisés dans la vente de produits carnés (qui vendent principalement des produits importés), et le secteur de la restauration (maquis, hôtel-restaurant). La découpe et le conditionnement s’adapteront aux besoins des acheteurs. Privilégier des circuits courts de commercialisation pour le riz comme pour viande de chèvre permettra de rapprocher les acteurs de la production/transformation des consommateurs finaux, et contribuera sur le territoire au décloisonnement entre les bassins de production et de consommation. La création de liens et le dialogue entre ces acteurs autours d’enjeux communs ne pourra qu’être bénéfique pour améliorer l’adéquation de l’offre et de la demande.

Innovation 4 :Créer denouveaux rapports au territoire età l’alimentationen valorisant le patrimoineet par la mise en lien des acteurs des filières « riz et viande locale ».


En faisant appel à l’expérience de OADEL, des actions de « sensibilisation et d’éducation » et de promotion auprès des consommateurs et des acteurs des filières seront réalisées (clubs alimentaire dans les écoles et centre de santé, promotion de produits sur marché et autres lieux de ventes, communication sur les médias). Des rencontres d’échanges à vocation pédagogique comme des visites de « parcelles rizicoles et d’élevage » et portes ouvertes des lieux de transformation permettront de faire découvrir et valoriser les bonnes initiatives du territoire, et d’engager le dialogue. Des évènements publics (concours paysans et ateliers thématiques) permettront des rassembler les acteurs autours des bonnes initiatives (de production et transformation agricole et alimentaire) et mettre en avant les externalités sociales, économique, environnementales positives pour le territoire que produisent l’agriculture et l’élevage.
Avec plus de 2,5 millions d’habitants, la région maritime est un bassin de consommation majeur au Togo. Elle est considérée comme le principal fournisseur de la capitale Lomé en denrée alimentaire et compte sur les plus grands systèmes d’approvisionnement alimentaire du pays. Ses territoires ruraux produisent une très grande diversité de produits alimentaires (céréales, légumes, fruits, produits animaux…), et la configuration de ces systèmes agricoles et alimentaires représente un fort potentiel pour répondre aux besoins grandissant de sa population urbaine. Le projet agira sur la préfecture du Zio, et la capitale Lomé en orientant son appui sur les 3 maillons des filières « riz et bétail viande de chèvre » et en ciblant dans son groupe cible :
Production : – Les 350 agriculteur·trice·s membres des 15 coopératives de l’UCA-ZIO des cantons de Bolou et Agbélouvé. Ces ménages produisent du riz pluvial et irrigués dans des bas-fonds peu aménagés avec des pratiques culturales traditionnelles sur de petites surfaces (0,25 à 0,5ha). Ils y associent d’autres productions comme le maïs, le coton, et l’élevage de petits ruminants en divagation. – 10 éleveurs sélectionnés dans les membres de 3 scoops ayant été appuyés par ESF-ESFT pour leur intérêt et capacité à diversifier leurs activités d’élevage par la production reproducteurs améliorés.
Transformation : – 2 centres de transformation dont 1 spécialisé dans la transformation du riz de l’UCA-ZIO disposant de quelques équipements (décorticage, stockage), et 1 nouvelle entité privée en création qui sera le prolongement de l’expérimentation menée sur la transformation de viande par OADEL-ESF et un jeune boucher. – 20 restauratrices de rues, pour la plupart des femmes en milieu urbain qui n’ont que cette ressource pour vivre. – 15 restaurateurs (Maquis-restaurants), basés dans les différents quartiers populaires de Lomé et proposant dans leurs cartes des produits locaux.
Commercialisation : – 25 Petites revendeur·euse·s/boutiquiers des marchés ruraux des cantons de la préfecture du ZIO, et marchés urbains de la ville d’Agbélouvé qui commercialisent en tant que détaillants des produits alimentaires aux consommateurs. – 30 points de vente, dans les différents quartiers populaires Lomé qui sont de petites boutiques d’alimentation générale. -30 frigos, petits détaillant de produits carnés – 15 000 consommateur·rice·s ruraux et urbains en priorité de catégorie pauvre et intermédiaire.
Par ailleurs, sont ciblés également les acteurs de la société civile locale, les organismes d’appui et de recherche, les agents de développement privés et publics, les collectivités, et ministères pour développer une gestion concertée du projet et une appropriation commune des résultats de l’action, mais également pour développer des nouvelles collaborations autour du « consommer local », et du développement de filières de proximités.

OADEL Togo, Septembre 2021.